La mise en eau des réservoirs hydroélectriques entraîne, dans le milieu aquatique, une transformation et une mise en circulation du mercure déjà présent dans la végétation et les sols inondés. Il en résulte une augmentation de la teneur en mercure des poissons, un phénomène qui peut s’échelonner sur une période de 10 à 35 ans selon les espèces de poissons et les types de réservoirs. Du début des années 1980 jusque vers 2010, Hydro-Québec a mené un vaste programme de recherche visant, d’une part, à déterminer les effets de l’augmentation du mercure chez les poissons, les oiseaux et mammifères et, d’autre part, à gérer le risque potentiel pour la santé des pêcheurs.

Les objectifs spécifiques de ce programme étaient les suivants :

  • étudier le cheminement du mercure dans les milieux naturels et aménagés du nord du Québec ;
  • déterminer les effets de l’augmentation de la teneur en mercure des poissons sur la faune ;
  • examiner les risques et les bienfaits de la consommation de poisson pour la santé ;
  • améliorer les méthodes de prévision des impacts des projets hydroélectriques ;
  • chercher des mesures permettant d’atténuer l’augmentation de la teneur en mercure des poissons, phénomène causé par la mise en eau des réservoirs.

Les résultats obtenus indiquent que les niveaux de mercure atteints dans les milieux aménagés ne sont pas nuisibles aux populations de poissons, d’oiseaux et de mammifères consommant du poisson. Les suivis des teneurs en mercure des poissons des réservoirs récents et de l’exposition au mercure des populations périphériques montrent que les bienfaits de la consommation de poisson pour la santé sont de loin supérieurs aux risques liés au mercure. Hydro-Québec concentre maintenant ses efforts à élaborer, en étroite collaboration avec les organismes régionaux de santé publique, des guides de consommation permettant aux pêcheurs sportifs et aux pêcheurs de subsistance de continuer à profiter des grandes qualités nutritives du poisson en évitant tout risque associé au mercure.

Vidéo : Comment se fait le suivi du mercure dans la chair des poissons ?

L’exemple du complexe de l’Eastmain-Sarcelle-Rupert : Dans les milieux touchés par la dérivation partielle de la Rupert, une équipe suit l’évolution des teneurs en mercure de la chair des poissons. À la lumière des résultats, nous produisons un guide de consommation avec le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James de façon à permettre aux Cris de bénéficier des bienfaits d’une saine consommation de poisson.

Documentation spécialisée

Le mercure dans les réservoirs hydroélectriques

Sources de mercure

Le mercure est présent partout dans l’environnement. On le trouve dans l’air, le sol et la végétation ainsi que dans les lacs et les rivières. Il peut être émis dans l’air de façon naturelle par les volcans et les feux de forêt ou engendré par des activités humaines, comme la combustion du charbon et le brûlage des déchets. Dans le nord du Québec, il est transporté dans l’atmosphère sur de longues distances, puis il tombe dans les lacs et les forêts avec les poussières et la pluie. Le mercure, surtout présent sous forme inorganique, est relativement inoffensif, car les êtres vivants l’assimilent très peu sous cette forme.

L’aménagement Robert-Bourassa et son réservoir.

Le mercure et la consommation de poisson

Chez la majorité des gens, l’exposition au mercure résulte essentiellement de la consommation de poisson. Le méthylmercure (ou mercure méthylique) est facilement absorbé par le système digestif humain. Il est ensuite transporté par le sang dans tous les organes du corps. Les concentrations les plus importantes se trouvent dans le foie, les reins et le cerveau. Il faut de 50 à 70 jours pour éliminer la moitié du méthylmercure ingéré. Durant la grossesse, le méthylmercure présent dans le sang de la mère traverse le placenta et circule dans le sang de l’enfant à naître.

La préparation du poisson dans un tipi.

La recherche

Un phénomène inconnu

Dans les années 1970, au moment des travaux préliminaires à la mise en eau du réservoir Robert-Bourassa (dont le remplissage s'est terminé en 1979 et qui a été le premier du complexe La Grande), l'augmentation temporaire de la teneur en mercure dans les réservoirs était un phénomène inconnu. Les connaissances sur le cheminement du mercure dans les milieux aquatiques naturels étaient même très incomplètes.

Dans le cadre des travaux du réseau de suivi environnemental (RSE) du complexe La Grande, la teneur en mercure des poissons des lacs de la région a été mesurée avant, pendant et après la mise en eau des réservoirs. Dès que les résultats du RSE ont révélé une augmentation significative de la teneur en mercure dans les poissons, Hydro-Québec a élaboré un programme de recherche exhaustif dans le but d'élucider les mécanismes responsables de ce phénomène et de cerner les risques pour la santé non seulement des poissons, des oiseaux et des mammifères piscivores, mais aussi des pêcheurs sportifs et des pêcheurs de subsistance.

Des partenariats de recherche

Hydro-Québec s'est assurée de la collaboration de plusieurs partenaires afin de mener à bien son programme de recherche :

  • la Chaire de recherche en environnement formée par Hydro-Québec, le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada et l'Université du Québec à Montréal, pour étudier le cheminement du mercure dans les milieux naturels et aménagés du Nord québécois ;
  • l'Université de Sherbrooke, pour les travaux de modélisation du mercure dans les poissons des réservoirs hydroélectriques ;
  • la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal, pour une étude clinique sur les effets d'une exposition au mercure sur le vison ;
  • le Service canadien de la faune, pour une étude sur les effets du mercure sur le succès de reproduction du balbuzard pêcheur ;
  • l'Institut des eaux douces de Pêches et Océans Canada, pour l'étude du taux de méthylation du mercure dans des réservoirs expérimentaux ;
  • l'Unité de recherche en santé publique du Centre hospitalier universitaire de l'Université Laval, pour la production de guides de consommation de poisson ;
  • le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James, pour la production d'un guide nutritionnel sur les poissons de la région de la Baie-James.

Ces nombreux partenariats ont permis à Hydro-Québec de bien approfondir la question du mercure dans les réservoirs hydroélectriques et de se maintenir à la fine pointe de la recherche sur le sujet.

De l'acquisition de connaissances à la gestion du risque pour la santé des consommateurs de poisson

De 1978 à 1985, les activités d'Hydro-Québec sur le mercure visaient essentiellement à suivre l'évolution de la teneur en mercure des poissons des réservoirs du complexe La Grande et à réaliser des études complémentaires permettant de comprendre les phénomènes observés dans le cadre du suivi.

De 1986 à 1988, les activités de recherche d'Hydro-Québec étaient réalisées conformément à la Convention sur le mercure (1986), comme décrit ci-après (voir Les conventions sur le mercure).

De 1988 à 2010, Hydro-Québec s'est dotée d'un programme institutionnel de recherche sur le mercure, en plus de poursuivre ses activités liées aux conventions sur le mercure [1986 et 2001]. Ce programme visait à répondre aux besoins de l'entreprise qui n'étaient pas prioritaires pour les autres partenaires de ces conventions.

Osprey
Net fishing

Voici les principales activités réalisées dans le contexte de ce programme :

  • le suivi de la teneur en mercure des poissons du complexe La Grande ;
  • la modélisation de la teneur en mercure des poissons des futurs réservoirs ;
  • la détermination du risque pour les populations d'oiseaux et de mammifères piscivores ;
  • la détermination des risques et des bienfaits pour la santé liés à la consommation de poisson ;
  • la recherche de mesures d'atténuation permettant de réduire l'augmentation de la teneur en mercure des poissons dans les réservoirs récemment mis en eau.

Pour en savoir plus

Pour en savoir plus sur les enseignements tirés de ces recherches, vous pouvez consulter la monographie produite à la suite d'une initiative de la Chaire de recherche en environnement Hydro-Québec-CRSNG-UQAM. (Lucotte, M., R. Schetagne, N. Thérien, et A. Tremblay. 1999. Mercury in the Biogeochemical Cycle: Natural Environments and Hydroelectric Reservoirs of Northern Québec (Canada). New York, Springer. 334 p.).

Une monographie sur le mercure

Ce document est un recueil de quatorze articles scientifiques en anglais auxquels s'ajoutent un résumé et une synthèse en français. Les articles traitent de sujets variés, notamment l'augmentation de la teneur en mercure des sédiments lacustres à la suite des dépôts atmosphériques d'origine anthropique, les mécanismes responsables de la méthylation du mercure et de son transfert à la chaîne alimentaire des réservoirs, les raisons pour lesquelles l'augmentation de la teneur en mercure dans les poissons est temporaire et les risques pour la faune, comme le vison et le balbuzard pêcheur.

Page couverture de la monographie.

Les activités actuelles d'Hydro-Québec sur la question du mercure

Un programme orienté vers la gestion du risque pour la santé des consommateurs de poisson

Le programme de recherche institutionnel réalisé par Hydro-Québec et ses partenaires a permis de bien cerner l'ampleur, la durée et les principaux mécanismes responsables de l'augmentation de la teneur en mercure dans les poissons des jeunes réservoirs. Il a également permis de montrer que cette augmentation ne met pas en danger les populations de poissons, d'oiseaux et de mammifères se nourrissant de poissons. En conséquence, les activités actuelles d'Hydro-Québec sur le mercure se concentrent sur la gestion et la communication du risque potentiel pour la santé des pêcheurs sportifs et des pêcheurs de subsistance que pose la consommation de poissons capturés dans les nouveaux réservoirs.

Les activités en cours sont principalement liées aux engagements et obligations d'Hydro-Québec décrites dans les certificats d'autorisations gouvernementales des aménagements hydroélectriques récents. Elles comprennent les éléments suivants :

  • le suivi régulier de la teneur en mercure des poissons des réservoirs ;
  • l'amélioration des modèles de prévision de la teneur en mercure des poissons des réservoirs projetés par l'entreprise ;
  • le développement de méthodes d'analyse du risque pour la santé des consommateurs que représente l'augmentation temporaire des teneurs en mercure des poissons ;
  • le soutien technique aux organismes de santé publique des régions où sont aménagées les installations d'Hydro-Québec, notamment le calcul du nombre de repas par mois de chaque espèce de poisson, dans chaque milieu aménagé, qui peut être consommé sans dépasser le niveau d'exposition recommandé pour éviter tout risque pour la santé lié au mercure ;
  • le développement d'outils, le suivi de leur efficacité et leur amélioration pour informer adéquatement les consommateurs de poisson sur les risques potentiels pour la santé liés au mercure.
Pêcheuse.

Une méthode innovatrice d'analyse du risque additionnel pour la santé des consommateurs de poisson

Dans le contexte de l'étude d'impact portant sur l'aménagement du complexe hydroélectrique de la Romaine, une méthode innovatrice d'analyse du risque pour la santé a été élaborée à la demande de Santé Canada et de l'Agence de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord. L'approche suivie consiste à mesurer l'exposition actuelle au mercure des populations locales et à déterminer les principales sources de mercure dans le régime alimentaire, ainsi que les teneurs actuelles dans ces sources. L'exposition future des populations locales est calculée selon les teneurs futures des sources de mercure touchées par le projet (obtenues par un modèle de simulation), selon différents scénarios de consommation de poisson et selon l'intention avouée de pêcher dans les nouveaux réservoirs. Le risque additionnel pour la santé des consommateurs de poisson est ensuite évalué selon les seuils reconnus d'effet sur la santé (voir le document PDF disponible sur le sujet [PDF 746 Ko]).

Les résultats de cette analyse approuvée par Santé Canada montrent que l'aménagement du complexe hydroélectrique de la Romaine n'entraîne pas de risque additionnel pour la santé lié à la consommation de poisson. Santé Canada a déposé, durant les audiences publiques tenues sur le projet, un mémoire dans lequel les experts ont conclu que les futurs niveaux d'exposition au mercure des populations locales n'étaient pas préoccupants pour la santé.

Les conventions sur le mercure

Le poisson représente une importante source traditionnelle de nourriture pour les Cris de la Baie-James. Une étude réalisée au milieu des années 1970 a révélé que le poisson représentait de 15 à 20 % de la nourriture sauvage consommée par les Cris. À cette époque, soit avant la mise en eau des réservoirs, la découverte de la teneur élevée en mercure des poissons des plans d'eau situés au sud du territoire de la Baie-James – un phénomène causé par une source de pollution industrielle – a incité les Cris de toutes les communautés à modifier leurs stratégies de pêche et de consommation de poisson. Les communautés de la partie sud du territoire ont réagi plus fortement que celles de la partie nord. Au début de la décennie suivante, la découverte d'une importante augmentation de la teneur en mercure des poissons des réservoirs du complexe La Grande allait accroître les appréhensions des communautés installées au nord du territoire.

Étant donné l'importance du poisson dans l'alimentation des Cris et la teneur élevée en mercure de certaines espèces de poissons en milieu naturel et en réservoir, le problème du mercure préoccupait les neuf communautés cries du territoire. Les familles qui s'adonnaient aux activités traditionnelles, soit environ 30 % de la population au début des années 1980, étaient les plus susceptibles d'être exposées à une teneur élevée en méthylmercure et particulièrement celles qui pêchaient régulièrement les poissons piscivores des lacs et des réservoirs.

Une première convention sur le mercure

C'est la raison pour laquelle, en 1986, les Cris de la Baie-James, Hydro-Québec et le gouvernement du Québec ont signé la Convention sur le mercure (1986). Sa mise en œuvre a été assurée par le Comité de la Baie James sur le mercure, composé de six personnes représentant les trois groupes signataires. Les principaux objectifs de cette convention étaient de minimiser chez les Cris les effets potentiels du mercure sur leur santé, de préserver leur mode de vie et leurs activités traditionnelles de chasse et de pêche et de convenir, le cas échéant, des travaux à réaliser pour diminuer la teneur en mercure des poissons.

Le Comité de la Baie James sur le mercure devait composer avec une question complexe ayant des considérations environnementales, culturelles et de santé publique. S'il était important, notamment, de réduire le risque pour la santé, il ne fallait pas ignorer pour autant les bienfaits liés à la consommation de poisson.

Le financement de cette convention, dont 12 millions de dollars sur un budget total de 18 millions provenaient d'Hydro-Québec, était assuré pour 10 ans. Pendant cette période, le Comité a supervisé le programme de suivi de la teneur en mercure des poissons, soit le volet environnement qui était sous la responsabilité d'Hydro-Québec. Il a également supervisé le programme de suivi du niveau d'exposition au mercure des Cris du territoire de la Baie-James, soit le volet santé qui était sous la responsabilité du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James. De plus, des recherches portant sur l'environnement, la santé et les aspects socioculturels ont été entreprises et des mesures d'atténuation ont été suggérées.

On pouvait envisager deux types de mesures d'atténuation afin de réduire le risque pour la santé tout en favorisant les activités traditionnelles de chasse et de pêche. Le premier type visait à diminuer la production de méthylmercure et son accumulation dans la chair des poissons. Une revue des mesures de ce premier type, proposées dans la documentation scientifique réalisée au début de la convention, a révélé une connaissance insuffisante des mécanismes de production et de transfert du méthylmercure vers les poissons, ainsi que l'absence de mesures techniquement et économiquement rentables à grande échelle.

Le Comité de la Baie James sur le mercure a donc dirigé ses activités, dès 1989, vers le second type de mesures, qui avait plutôt pour but d'orienter les activités traditionnelles de chasse et de pêche vers les poissons des milieux côtiers de la baie James, des lacs naturels adjacents aux réservoirs ou vers d'autres ressources fauniques présentant une faible teneur en mercure. Le Comité a aussi financé des pêches communautaires dans des régions où la teneur en mercure des poissons est faible ainsi que divers aménagements favorisant la production et la récolte d'espèces fauniques non piscivores, à faible teneur en mercure. La mise en œuvre de ces mesures a contribué à réduire l'exposition des Cris au mercure tout en encourageant leurs activités traditionnelles d'exploitation des ressources piscicoles et fauniques.

Plusieurs affiches présentant la question du mercure, les risques pour la santé et les bienfaits associés à la consommation de poissons ont été produites :

  • Le mercure dans la chaîne alimentaire
  • Le mercure dans la faune autre que le poisson
  • Le mercure dans les cheveux et le sang
  • Le mercure méthylique dans le corps humain
  • Les recommandations alimentaires

Des campagnes d'information ont eu lieu auprès des conseils de bande, des responsables locaux de santé publique et de la population de chaque communauté crie.

Cette affiche montre les teneurs en mercure dans les différentes espèces fauniques consommées par les Cris, comme le béluga, le phoque, l'ours, le castor, le caribou, les canards, etc.
Figure 2.6 : Affiche présentant la teneur en mercure chez les principales espèces fauniques consommées par les autochtones

Une convention renouvelée

La Convention sur le mercure de 1986 a été renouvelée avec un budget de 27 millions de dollars pour donner naissance à la Convention sur le mercure (2001). Une société à but non lucratif, la Corporation Niskamoon, a été fondée pour mettre en œuvre cette nouvelle convention. Le conseil d'administration de la Corporation Niskamoon était formé de cinq membres cris et de trois membres d'Hydro-Québec. Cette deuxième convention a été en vigueur de 2001 à 2012, soit – comme prévu – jusqu'à épuisement des fonds disponibles.

Les activités poursuivies comprenaient des programmes de recherche en environnement et en santé totalisant 8 millions de dollars, mais surtout des mesures pour restaurer les activités de pêche cries, étant donné le faible taux d'exposition au mercure de la grande majorité des Cris et leur faible consommation de poissons locaux, mais compte tenu des bienfaits du poisson pour la santé. Une étude menée en 2010 révélait en effet qu'environ 70 % des Cris de la Baie-James consommaient du poisson local moins d'une fois par semaine.

Dans ce contexte, des activités de pêche ont été financées pour enseigner les méthodes traditionnelles cries de capture, de conservation et de préparation des poissons, ainsi que pour permettre la distribution de poissons dans les villages cris, comme l'omble de fontaine anadrome, dont la teneur en mercure est particulièrement faible. La mise en valeur d'habitats pour les poissons et la faune ainsi que l'aménagement d'étangs pour la chasse à la sauvagine ont également été financés par la Corporation Niskamoon.