Cette panne touche près de 55 millions de personnes, dont 10 millions en Ontario, pendant des heures, des jours, voire une semaine pour certains clients. Elle engendre une perte de près de 19 millions d’heures de travail en Ontario seulement, cause une chute des livraisons manufacturières de 2,3 milliards de dollars et entraîne une chute de 0,7 % du produit intérieur brut canadien en un seul mois.

Les gouvernements américain et canadien créent, peu après la panne, le Groupe de travail Canada–États-Unis sur la panne. Ce groupe de travail mixte a pour mandat d’analyser les faits et de formuler des recommandations qui permettraient d’éviter une autre catastrophe économique de cette ampleur. Il formule, en tout, 46 recommandations, dont plusieurs ont été mises en place à la grandeur de l’Amérique du Nord.

Le fil des événements de la panne

Tout a débuté vers 12 h 15 lorsque survient une panne de données sur le réseau de transport d’électricité de la région de Cleveland et d’Akron, en Ohio. Les exploitants du réseau se trouvent alors à utiliser sans le savoir des données erronées.

À 13 h 31, un groupe de production de la centrale d’EastLake, en banlieue de Cleveland, se déclenche, entraînant la perte de 600 MW sur le réseau et, par le fait même, la perte d’un apport important de puissance réactive. Le réseau est alors en situation précaire, l’équilibre puissance-charge étant rompu, à l’insu des exploitants.

Puis, vers 14 h 15, se produit une panne d’un système informatique d’enregistrement et de transmission des alarmes, qui dure une bonne partie de l’après-midi et empêche ces mêmes exploitants d’être avertis de la situation.

À 15 h 05, trois lignes à 345 kV se déclenchent et se réenclenchent à plusieurs reprises en raison de contacts intermittents entre des conducteurs et des arbres situés trop près des lignes. Ce n’est qu’à 15 h 46 que le système informatique est rétabli. Les exploitants s’aperçoivent alors que le réseau est dégradé et que la fiabilité est menacée. Ces mêmes lignes à 345 kV se déclenchent à nouveau, de façon définitive cette fois, surchargeant des lignes à 138 kV qui se déclenchent à leur tour, en cascade. En tout, seize lignes à 138 kV sont ainsi mises hors circuit. Selon les conclusions du rapport du Groupe de travail Canada–États-Unis sur la panne, les exploitants auraient pu intervenir à ce moment pour effectuer d’importants délestages de charges afin de rétablir l’équilibre puissance-charge.

À 16 h 05, une quatrième ligne à 345 kV dans le nord de l’Ohio se déclenche. Dans les huit minutes qui suivent, plus de 55 millions de personnes sont privées d’électricité.

Causes de la panne

Cette situation aurait pu être évitée ou, à tout le moins, atténuée. Le groupe de travail a constaté que plusieurs facteurs avaient contribué à la panne :

  • un manque de planification et une compréhension inadéquate des réseaux électriques dégradés ;
  • un soutien aux diagnostics insuffisant ;
  • une mauvaise gestion de la végétation ;
  • des systèmes informatiques vulnérables ;
  • des normes de fiabilité insuffisamment claires et non obligatoires.

Il a, par voie de conséquence, émis des recommandations portant sur l’ensemble des aspects de la fiabilité du système de production-transport d’électricité.

Mise en place du régime de normes obligatoires

L’une des principales recommandations du rapport était de rendre obligatoire l’application des normes de fiabilité de la North American Electric Reliability Corporation (NERC) aux États-Unis et au Canada. Les gouvernements des deux pays ont réagi rapidement en mettant en place des mesures législatives encadrant la fiabilité des réseaux électriques. Au Québec, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi 52 modifiant notamment la Loi sur la Régie de l’énergie : les entités du Québec sont désormais soumises aux normes de fiabilité adoptées par la Régie de l’énergie.

Retombées des normes NERC

En novembre 2004, la NERC a publié une première version (dite la « version 0 ») de ses normes de fiabilité, dans lesquelles sont regroupées des politiques d’exploitation, des normes de planification et des exigences de conformité et qui ont été adoptées en février 2005. Le 18 juin 2007, les normes de fiabilité devenaient obligatoires aux États-Unis.

Exemples de normes qui ont eu des retombées positives

  • La norme FAC-003 oblige chaque entité à élaborer et à mettre en œuvre un programme de maîtrise de la végétation. Si des incidents causés par la végétation sont trop fréquents ou causent des pannes importantes, ici ou ailleurs, la Régie de l’énergie pourrait imposer des sanctions monétaires ou un plan de redressement.
  • La norme EOP-008 traite de l’élaboration de plans de mesures d’urgence en cas de perte de fonctionnalité du centre de conduite du réseau. Chaque entité doit s’assurer que les activités d’exploitation du réseau qui peuvent avoir une incidence sur la fiabilité du système de production-transport sont maintenues en tout temps.