1898-1929 – La consolidation des grandes entreprises et le début des projets d'envergure
Dans les années 1920, plus de 80 centrales font leur apparition sur les cours d’eau du Québec, ce qui entraîne une multiplication par cinq de la production. Des centaines d’entreprises d’électricité voient le jour, mais quelques-unes seulement survivront pour former de puissants monopoles régionaux. À Montréal, la Montreal Light, Heat and Power Consolidated élimine rapidement toute concurrence tandis qu’en Mauricie, la Shawinigan Water and Power Company fait de l’aménagement du Saint-Maurice la pierre d’assise d’un vaste complexe industriel.
1898
Naissance de la Shawinigan Water and Power Company
Des promoteurs américains obtiennent les lettres patentes de la Shawinigan Water and Power Company. J.E. Aldred, un financier de Boston, jette ainsi les bases d’une entreprise qui deviendra l’un des empires industriels les mieux diversifiés de la première moitié du 20e siècle au Québec. C’est à un jeune ingénieur originaire de Boston, Julian C. Smith, qu’on attribue la conception remarquable de l’aménagement de la rivière Saint-Maurice, une réussite technique et la clé de voûte des succès financiers de la Shawinigan Water and Power Company (SW&P).
« La Shawinigan », comme on l’appelait familièrement, multiplie les initiatives pour exploiter le plus rapidement possible le plein potentiel du Saint-Maurice, malgré son éloignement des grands centres de consommation :
Elle attire en Mauricie des industries fortes consommatrices d’électricité : pâtes et papiers, aluminium, produits chimiques.
Elle met au point un mode de tarification à prix décroissant, question de stimuler la consommation.
Elle investit dans d’autres entreprises et diversifie ses activités pour accélérer la mise en valeur du potentiel du Saint-Maurice.
Elle étend graduellement son territoire en achetant les entreprises concurrentes qu’elle trouve sur son passage ; elle prend des participations importantes dans d’autres entreprises d’électricité comme la Quebec Power Company et Southern Canada Power.
Elle exporte une partie de sa production vers le marché de Montréal ; en 1903, elle est la première entreprise en Amérique du Nord à construire une ligne de transport à 50 kilovolts – une tension record – sur des poteaux en bois, d’une longueur de plus de 130 kilomètres.
La renommée de la Shawinigan Water and Power Company passe rapidement les frontières. Dès 1919, la société crée une entreprise de génie-conseil, la Shawinigan Engineering Company Limited, afin d’exporter son savoir-faire aux États-Unis et en Angleterre.
Dans les années 50, la SW&P commence à s’intéresser au marché agricole alors qu’on assiste à un fort mouvement de regroupement et de mécanisation des fermes. Elle recrute une équipe d’agronomes francophones afin de promouvoir l’électrification accélérée des fermes et de rendre ainsi ce marché plus lucratif.
Considérée jadis comme le fleuron du parc hydroélectrique de la Shawinigan Water and Power Company, la centrale de Shawinigan-2 est ouverte aux visiteurs. Venez explorer ce site unique !
L’aménagement du Saint-Maurice s’étale sur près de 50 ans. Remarquables à la fois par leur ingéniosité et leur architecture, huit centrales assurent l’exploitation du plein potentiel de la rivière, soit les centrales de Shawinigan-1 (érigée en 1901 et démantelée en 1949), de Shawinigan-2, de La Gabelle, de Grand-Mère (construite en 1916 par la Laurentian Power Company et acquise en 1925 par la Shawinigan Water and Power Company), de Rapide-Blanc, de La Tuque, de Shawinigan-3, de La Trenche et de Beaumont. Construit en 1917 par la Commission des eaux courantes de Québec, le barrage Gouin assure la régularisation du débit de la rivière Saint-Maurice.
Diaporama
Le contenu qui suit est un diaporama d'images sur : L’année 1898
Sous l’impulsion de Herbert Samuel Holt, on assiste à la fusion de la Montreal Gas Company et de la Royal Electric Company. Holt jette ainsi les bases de ce qui deviendra un vaste empire industriel et financier : la Montreal Light, Heat and Power Company. Devant l’immense possibilité d’expansion qu’offre le marché de l’électricité, Holt parvient à fusionner les concurrents traditionnels : le gaz et l’électricité. Monopole arrogant, la Montreal Light, Heat and Power refuse systématiquement toute forme de collaboration avec les commissions d’enquête ou les organismes mis sur pied par le gouvernement pour tenter de réglementer le commerce de l’électricité.
La centrale de la Rivière-des-Prairies et la centrale de Beauharnois font partie des grandes réalisations de la Montreal Light, Heat and Power Consolidated. Ces deux centrales au fil de l’eau sont ouvertes au public et elles sauront vous éblouir lors de votre prochaine visite.
Diaporama
Le contenu qui suit est un diaporama d'images sur : L’année 1901
Au tournant du 20e siècle, un fort courant de municipalisation des réseaux de distribution d’électricité se dessine en Ontario. Le 14 mai 1906, Adam Beck, homme d’affaires averti et politicien influent, fait adopter par la législature ontarienne une loi qui crée la Hydro Electric Power Commission of Ontario (HEPCO) ou Ontario Hydro. Au départ, le modèle d’organisation est simple : la production de l’électricité est laissée au secteur privé, le transport est assuré par la Commission, et la distribution est prise en charge par les municipalités. Le « modèle ontarien » trouve preneur au Québec ; en effet, plusieurs villes choisissent de municipaliser les services d’électricité sur leur territoire. Nombre d’entre elles accepteront l’offre d’achat d’Hydro-Québec, à compter de 1963, mais les neuf villes suivantes préféreront conserver leur réseau municipal de distribution : Alma, Amos, Baie-Comeau, Coaticook, Joliette, Jonquière, Magog, Sherbrooke et Westmount.
Les entreprises désireuses de se tailler une place dans le lucratif marché de l’éclairage public se multiplient. Les fils s’entrecroisent, et les rues de Montréal s’enlaidissent. Pour remédier à cette situation et pour protéger son réseau d’électricité contre les intempéries et les rigueurs de l’hiver, Montréal devient l’une des premières villes d’Amérique du Nord à se doter d’une politique d’enfouissement des fils dès le début du siècle. Rigueur du climat et esthétique urbaine obligent.
Diaporama
Le contenu qui suit est un diaporama d'images sur : L’année 1908
Deux industriels et financiers de renom, William Price et James Duke, s’associent pour lancer un projet d’aménagement d’une puissante centrale hydroélectrique à l’île Maligne, à la tête de la rivière Saguenay. L’objectif consiste à répondre aux besoins de leurs propres usines de pâtes et papiers, mais également à alimenter l’aluminerie qui s’établit dans la région.
C’est surtout pour satisfaire ses besoins croissants qu’Alcan aménagera, au cours des 40 années qui suivront, les centrales de la Chute-à-Caron, de Shipshaw, de la Chute-du-Diable, de la Chute-à-la-Savanne et de la Chute-des-Passes.
L’aménagement de la Gatineau, une nécessité pour l’industrie des pâtes et papiers
À l’initiative de la Canadian International Paper Co., la Gatineau Power Company est formée pour aménager et exploiter des centrales sur les rivières Gatineau et des Outaouais. Au fil des ans, la Gatineau Power acquiert toutes les petites centrales existantes sur l’Outaouais et ses affluents. Le parc de production de la Gatineau Power Company comprendra, notamment, les centrales du Corbeau, de Chelsea, de Paugan et des Rapides-Farmer. Cette dernière, située à Gatineau, produit de l’électricité depuis 1927. Véritable joyau de l’histoire de l’Outaouais, elle est ouverte au public.
Diaporama
Le contenu qui suit est un diaporama d'images sur : L’année 1926
En août 1929, Robert Oliver Sweezey entreprend les travaux d’aménagement d’une centrale au fil de l’eau sur le Saint-Laurent, à la hauteur de Beauharnois. Mais l’effondrement de la Bourse de New York, le jeudi noir du 24 octobre, et la crise économique qui s’ensuit compromettent sérieusement le rêve de Sweezey. Les difficultés financières s’accumulent. Les scandales politiques liés à la réalisation du projet entachent la crédibilité de l’ingénieur. Puis, coup de théâtre ! Le gouvernement de l’Ontario refuse de respecter les conditions d’un contrat signé entre Ontario Hydro et la Beauharnois Light, Heat and Power en vue de l’achat d’une importante quantité d’énergie produite à la centrale de Beauharnois. Acculé à la faillite, Sweezey n’a d’autre choix que d’accepter l’offre d’achat du président de la Montreal Light, Heat and Power, Herbert Samuel Holt. Cette dernière confirme ainsi, à bon compte, sa suprématie sur le marché de l’électricité de Montréal.
La centrale de Beauharnois
L’ampleur du projet frappe l’imagination. Largement publicisée dans la presse mondiale, la construction de la centrale de Beauharnois est souvent comparée au chantier du canal de Panama. Le rapprochement est d’autant plus naturel que le canal d’amenée de la centrale constitue également un élément stratégique de la Voie maritime du Saint-Laurent. La centrale est remarquable à plusieurs égards :
Le dragage du canal d’amenée, d’une largeur de 1 kilomètre, d’une longueur de 24 kilomètres et d’une profondeur moyenne de 10 mètres, entraîne un déplacement de matériaux plus considérable que les travaux du canal de Panama.
La centrale est située à proximité des marchés de Montréal, de l’Ontario et des États-Unis, ce qui lui confère d’emblée une vocation qui déborde le marché local ; de fait, le montage financier, échafaudé par Sweezey pour réaliser son rêve, repose sur deux contrats d’exportation de l’énergie produite à la centrale : l’un avec Ontario Hydro et l’autre, avec la Montreal Light, Heat and Power Company.
La mise en service par Hydro-Québec, en 1961, du dernier des 36 groupes turbines-alternateurs de la centrale, marquera la fin de plus de 30 ans de travaux. La centrale de Beauharnois est alors considérée comme la plus puissante du Canada ; encore aujourd’hui, elle demeure l’une des plus puissantes centrales au fil de l’eau du monde.
L’architecture, d’inspiration art déco, confère à la centrale une élégance exceptionnelle. Ce caractère lui sera précieusement conservé en dépit des réparations majeures qu’elle subira dans les années 1990. Elle sera désignée lieu historique national.
Puissance et élégance : le projet frappe l’imagination par son ampleur.
Vous pouvez visiter gratuitement cette centrale dont l’architecture est d’inspiration Art déco.
Diaporama
Le contenu qui suit est un diaporama d'images sur : L’année 1929