1960-1979 – La 2e étape de la nationalisation : les grands défis
Dès son arrivée au pouvoir en juin 1960, le gouvernement libéral de Jean Lesage confie à Hydro-Québec le mandat exclusif d’aménager et d’exploiter les rivières non encore concédées à des intérêts privés. C’est à compter du 1er mai 1963, toutefois, qu’Hydro-Québec atteint une dimension panquébécoise alors que le gouvernement l’autorise à acquérir, de gré à gré, les distributeurs privés d’électricité. C’est la seconde phase de la nationalisation de l’électricité. Comment répondre à cette demande d’électricité qui s’accroît à un rythme d’environ 7 % par année ? La société d’État doit doubler sa capacité de production tous les dix ans. Voilà pourquoi Hydro-Québec construit, l’un après l’autre, trois grands complexes hydroélectriques : Manic-Outardes, sur la Côte-Nord ; Hamilton Falls (rebaptisées Churchill Falls), au Labrador ; et, enfin, le complexe La Grande, à la Baie-James. En arrière-plan de ce développement accéléré, se profile l’ombre de l’option nucléaire qui bénéficie, à compter du milieu des années 1960, d’un engouement sans précédent dans le monde entier. La Commission hydroélectrique de Québec mise plutôt sur l’hydroélectricité.
1960
Carillon, un point tournant pour Hydro-Québec
La direction des travaux à Carillon, une centrale de pointe construite dans la partie sud de l’Outaouais, est confiée aux ingénieurs francophones d’Hydro-Québec. Un courant de francisation gagne rapidement le siège social et tous les chantiers de la société d’État. Carillon est aussi le chantier qui confirme la politique du « faire-faire » de l’entreprise en matière d’ingénierie, ce qui a pour effet d’accélérer la création et l’essor des entreprises de génie-conseil québécoises.
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Manic-Outardes, des exploits techniques
Amorcés l’automne précédent, les travaux d’aménagement du plus ambitieux complexe hydroélectrique jamais entrepris au Canada se poursuivent sur les rivières Manicouagan et aux Outardes. Le chantier donne lieu à des exploits techniques et à des « premières mondiales » qui assurent d’emblée à Hydro-Québec une renommée internationale. À l’initiative d’un jeune ingénieur, Jean-Jacques Archambault, Hydro-Québec effectue une percée technologique déterminante dans le domaine du transport de grandes quantités d’électricité sur de longues distances, en poussant la tension à un niveau jusque-là inégalé : 735 kV. À une tension inférieure, les pertes en cours de transport auraient été considérables, et le nombre de lignes nécessaires, beaucoup plus important.
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1962
Un discours choc de René Lévesque
Le 12 février, René Lévesque, alors ministre des Richesses naturelles, prononce le discours inaugural de la Semaine nationale de l’électricité. Devant les dirigeants des entreprises privées d’électricité, il décrit la situation au Québec comme « un fouillis invraisemblable et coûteux ». Il dénonce les écarts tarifaires et le manque de disponibilité de l’électricité qui freinent le développement de certaines régions du Québec ; il déplore le peu de place faite aux francophones dans la gestion des entreprises d’électricité ; il souligne l’enchevêtrement des responsabilités des distributeurs privés, des coopératives d’électricité, des réseaux municipaux et des autoproducteurs. Ces derniers sont habituellement de grandes entreprises de pâtes et papiers ou d’aluminium (ex. : Alcan) qui exploitent des cours d’eau pour leur production industrielle. Il faut confier à Hydro-Québec, conclut Lévesque, la responsabilité du développement ordonné des ressources hydrauliques et de l’uniformisation des tarifs d’électricité dans tout le Québec.
Une élection générale pour dénouer une impasse
Le projet de René Lévesque ne fait pas l’unanimité au sein du cabinet de Jean Lesage. Pour dénouer l’impasse, le premier ministre réunit son conseil des ministres au lac à l’Épaule, à l’été de 1962. À l’issue de cette réunion, Jean Lesage annonce la tenue d’élections, le 14 novembre, afin de permettre à l’électorat québécois d’autoriser Hydro-Québec à acquérir les distributeurs privés d’électricité. Jean Lesage est réélu. Hydro-Québec se porte donc acquéreur de quelque quatre-vingts entreprises, des distributeurs privés, des coopératives d’électricité et des réseaux municipaux qui acceptent son offre d’achat. Elle termine l’intégration de toutes ces entreprises en un tout unifié en moins de trois ans, une opération d’une ampleur et d’une complexité sans précédent en Amérique du Nord. Les tarifs sont progressivement uniformisés. Toutes les normes techniques du réseau de transport et de distribution sont analysées et uniformisées afin d’assurer un service de qualité à tous les clients, où qu’ils soient sur le territoire.
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1963
Une offre publique d’achat bien réussie
Grâce à une offre publique d’achat (OPA), Hydro-Québec acquiert les distributeurs privés d’électricité. Comme prévu, le coût total de cette seconde phase de la nationalisation de l’électricité au Québec s’élève à 604 millions de dollars. Hydro-Québec prend à sa charge les quelque 250 millions de dollars d’obligations émises par les entreprises privées. Elle récupère un peu plus de 50 millions de dollars par la revente de certains actifs autres qu’électriques. Enfin, pour rembourser les actionnaires des entreprises acquises, Hydro-Québec écoule 300 millions de dollars d’obligations sur les marchés américains. Afin d’éviter de trop brusques variations du taux de change, l’émission de ces titres d’emprunt est étalé sur une période de quinze mois, à la demande du gouvernement américain. Cette vaste opération est menée dans les règles de l’art, ce qui vaut à Hydro-Québec une réputation enviable dans les milieux financiers.
Retour haut de page1965
Une incursion dans la technologie du nucléaire
Au milieu des années 1960, la popularité de l’énergie nucléaire est à son comble. Ontario Hydro, qui a déjà aménagé toutes les ressources hydrauliques dont elle dispose, est engagée dans un vaste programme de construction de centrales nucléaires dont les réacteurs CANDU sont de conception canadienne. Plusieurs pays, notamment les États-Unis, l’Angleterre, la France, l’URSS et l’Allemagne, développent leur propre filière nucléaire. Afin de se doter d’une expertise dans ce que certains décrivent comme « l’énergie de l’avenir », Hydro-Québec signe une entente avec L’Énergie atomique du Canada Limitée (EACL) pour la construction de la centrale expérimentale de Gentilly-1 (déclassée par la suite), puis de la centrale de Gentilly-2, fermée en 2012. Un moratoire, édicté en 1980, met en veilleuse la construction de nouvelles centrales nucléaires au Québec. Des accidents survenus aux centrales nucléaires de Three Mile Island aux États-Unis, en 1979, puis de Tchernobyl, en Ukraine, en 1986, freinent l’expansion de cette forme d’énergie partout dans le monde.
Retour haut de page1966
Churchill Falls, signature d’une lettre d’intention
À peine élu premier ministre, le 16 juin 1966, Daniel Johnson est confronté à une décision déchirante. Doit-il autoriser Hydro-Québec à signer une lettre d’intention engageant la société d’État à acquérir la quasi-totalité de l’énergie produite à la future centrale des Churchill Falls ? C’est un projet d’envergure car il s’agit d’une gigantesque centrale dont la puissance installée équivaut à celle des sept centrales du complexe Manic-Outardes. Hydro-Québec tente en vain d’intéresser des réseaux voisins, américains ou canadiens à acquérir une partie de l’énergie produite à Churchill Falls. Ces derniers soutiennent que l’énergie de source nucléaire est désormais plus économique que l’énergie produite au Labrador.
Après l’autorisation donnée par le premier ministre du Québec, Daniel Johnson, le 6 octobre 1966, Hydro-Québec fait le pari de l’hydroélectricité. Elle s’engage à acheter l’énergie produite aux chutes Churchill afin d’assurer la mise en valeur de ce site exceptionnel.
Retour haut de page1967
Création d’un institut de recherche de calibre international
C’est à l’instigation de Lionel Boulet qu’Hydro-Québec décide de se doter d’un institut de recherche en électricité de calibre mondial : l’IREQ. Construit à Varennes où convergent plusieurs lignes à 735 kV, l’Institut accueille au départ une soixantaine de laboratoires généraux et, surtout, un immense laboratoire à haute tension. Unique au monde, ce dernier est outillé pour répondre aux besoins d’expérimentation du réseau à haute tension d’Hydro-Québec. L’Institut ouvre également ses portes aux chercheurs universitaires et aux fabricants d’appareils qui collaborent avec les ingénieurs d’Hydro-Québec à mettre au point les multiples et complexes composants d’un réseau de transport à 735 kV. Depuis l’inauguration, en 1970, les chercheurs de l’Institut de recherche d’Hydro-Québec ne cessent d’améliorer la performance de cette technologie qui, présente toujours un degré d’efficacité jamais égalé.
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1968
Tracy, un héritage de la Shawinigan Water and Power
Hydro-Québec inaugure la centrale thermique de Tracy, un héritage de la Shawinigan Water and Power. Alors qu’au début des années 1960, le gouvernement de Jean Lesage confie à Hydro-Québec le mandat d’aménager toutes les rivières non concédées du Québec, la Shawinigan Water and Power Company tient à s’assurer des nouvelles sources de production qui lui permettront de poursuivre son expansion. Elle opte donc pour la construction d’une centrale thermique au mazout, à Tracy. Selon la même logique, elle prend une participation importante dans Brinco, un consortium privé chargé d’aménager les chutes Hamilton (Churchill), au Labrador.
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1971
La Baie James, le plus grand complexe hydroélectrique du monde
Un chantier de la démesure – Un territoire qui s’étale sur quelque 350 000 km2, soit les deux tiers de la France. Située à 1 000 kilomètres au nord de Montréal, en plein cœur de la taïga, la Grande Rivière s’étire, d’est en ouest, sur plus de 800 kilomètres. Un véritable puzzle sur le plan logistique : comment acheminer, en temps voulu, l’équipement, le matériel et les denrées nécessaires à la réalisation d’un projet aussi vaste ? Comment assurer le minimum de confort aux travailleurs ? Et il faut vaincre les rigueurs du climat car, à la Baie-James, les hivers sont longs et rigoureux. Par sa démesure, le chantier pose des défis sur tous les plans : le financement, l’environnement, les techniques de construction en milieu hostile, les conditions de vie des travailleurs, les relations avec les peuples autochtones, etc. C’est le premier ministre Robert Bourassa qui donne son coup d’envoi au « projet du siècle », en avril 1971.
Le projet du siècle – Le complexe La Grande
Étalée sur vingt-cinq ans, soit de 1971 à 1996, la réalisation du « projet du siècle » a connu une histoire mouvementée à beaucoup d’égards :
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L’accès au chantier
C’est d’abord par une route d’hiver et sur des pistes de glace que sont acheminés les matériaux nécessaires au démarrage de ce vaste chantier. Une route reliant la Baie-James aux villes du sud du Québec est ensuite construite.
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La gestion
D’abord évincée de la gestion du projet, Hydro-Québec doit insister pour devenir l’actionnaire majoritaire de la Société d’énergie de la Baie James (SEBJ), un organisme créé pour gérer le développement des ressources hydroélectriques de la Baie-James. La SEBJ devient une filiale à part entière d’Hydro-Québec en 1978. Depuis, elle agit à titre de société de gestion de grands travaux pour le compte d’Hydro-Québec, tant au Québec qu’à l’étranger.
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L’environnement
Par son ampleur, le projet attire l’attention des écologistes d’ici et de partout dans le monde. La variable environnementale est prise en compte par la SEBJ dès l’étape de la planification du projet. Elle met en œuvre des mesures d’atténuation d’une ampleur sans précédent pour préserver les écosystèmes de la région. L’ampleur des études d’impact réalisées en cours de construction fait de la Baie-James l’une des régions les mieux connues de la planète sur le plan environnemental.
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Les relations avec les autochtones
Ce n’est qu’après de longues négociations que les populations autochtones – cries et inuites – acceptent de donner leur accord à la mise en valeur des rivières de la Baie-James, en signant, en 1975, la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
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Les fermetures « forcées »
À trois reprises, les travaux doivent être interrompus. Tour à tour, un feu de forêt, une ordonnance de la cour et un conflit intersyndical qui dégénère en le saccage du chantier de La Grande-2, compromettent le respect du calendrier de réalisation du projet.
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L’escalade des coûts
L’inflation galopante des années 1970 et des modifications importantes à la configuration technique du projet en cours de réalisation obligent la SEBJ à revoir à la hausse les coûts du projet. De ce fait, le financement sur les marchés internationaux est plus complexe et les hausses de tarifs, plus importantes.
En dépit d’un parcours difficile, la phase 1 du complexe La Grande est achevée dans les délais et selon les coûts prévus. Viennent ainsi s’ajouter au parc de production d’Hydro-Québec les centrales La Grande-2 (rebaptisée Robert-Bourassa à la suite du décès de l’ex-premier ministre), La Grande-3 et La Grande-4. La puissance de ces trois centrales (10 280 mégawatts) équivaut à la puissance combinée des centrales du complexe Manic-Outardes et de la centrale des Churchill Falls.
Venez à la Baie-James admirer la puissance de la Grande Rivière. La centrale La Grande-1 et l’aménagement Robert-Bourassa sont ouverts au public.
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1978
HQI, l’exportation d’un savoir-faire unique
Pour la première fois en 34 ans d’existence, la loi qui a donné naissance à Hydro-Québec est modifiée. Un conseil d’administration remplace la Commission hydroélectrique du Québec (nom de la Commission hydroélectrique de Québec depuis 1977). Hydro-Québec est aussi autorisée à créer une filiale : Hydro-Québec International (HQI). La mission d’HQI consiste à exploiter le savoir-faire d’Hydro-Québec et de ses filiales à l’étranger et à appuyer les démarches des sociétés d’ingénierie du Québec sur les marchés internationaux, au profit de la collectivité québécoise.
Un contrat d’assistance mutuelle Québec-New York
Hydro-Québec met en service la première grande ligne d’interconnexion à 765 kV reliant les réseaux d’Hydro-Québec et de Power Authority of the State of New York (PASNY). En vertu d’une entente d’assistance mutuelle, les deux entreprises conviennent de se soutenir durant les périodes de forte demande qu’elles connaissent à des époques différentes de l’année. Ainsi, à partir de la centrale de Beauharnois, Hydro-Québec est désormais en mesure d’exporter vers l’État de New York d’importantes quantités d’énergie de juin à octobre. Durant les mois d’hiver, le réseau américain retourne au Québec une partie ou la totalité de ce que la province exporte en période estivale.
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