L’hiver était particulièrement propice à la chasse et à la pêche sous la glace. Le gros gibier était le plus recherché. Les familles formaient des groupes d’une cinquantaine de personnes. Les hommes se rassemblaient en petits groupes de chasseurs. Tous les membres de chaque groupe assumaient l’un des trois rôles bien définis, soit ceux de pisteur, de rabatteur ou de chasseur proprement dit. La peau, la viande et les os de l’animal capturé répondent aux besoins quotidiens en matière d’alimentation, d’habillement et d’outillage.
Autour du feu
Les gens de l’ocre ont allumé des feux sur le sable, en bordure du talus surplombant la rivière. Ils y cuisaient leurs aliments et se réchauffaient. Des ossements animaux blanchis par la chaleur ont été mis au jour par les archéologues à proximité de ces feux. Ces restes de repas proviennent de la chasse.
On peut supposer que l’endroit, en raison de sa position à la tête de longs rapides, constituait un lieu de halte favorisant les rencontres et la socialisation. On échangeait de l’information sur les territoires traversés ou à traverser et sur la disponibilité des ressources ; de nouveaux couples se formaient. Les itinéraires projetés devaient nécessairement comprendre des sources de réapprovisionnement en matières lithiques, car une famille moyenne avait besoin d’au moins 50 kg de ces matières.
En automne, il y a une période de flottement, au moment des premières neiges et du gel des plans d’eau, où les déplacements deviennent plus risqués. La glace nuit au canotage, et il n’y a pas assez de neige pour les raquettes. Cette transition d’environ un mois est mise à profit pour la préparation de l’équipement d’hiver. Au printemps, c’est l’inverse. La neige fond en surface pendant la journée et durcit pendant la nuit, ce qui complique la marche en raquettes et à pied. Les rivières commencent à dégeler par endroits, mais l’utilisation du canot n’est pas encore possible. Les lacs perdront leur couverture de glace plus tard. Les bernaches peuvent arriver à ce moment. Les hommes en faisaient la chasse et profitaient de leur temps libre pour construire un canot et pour réparer ou fabriquer les armes, outils et instruments dont ils auraient besoin au cours des mois suivants. La fabrication d’un canot pouvait occuper deux personnes durant trois semaines.
Selon les datations au radiocarbone, le peuple de l’ocre a allumé un feu sur le sable vers 6 300 ans AA. Les restes de ce feu ont graduellement été ensevelis sous plus de 1 m de sable. Les rayures horizontales visibles sur la paroi dégagée (voir la photo ci-contre) correspondent à des dépôts éoliens entrecoupés de reprises végétales. Étant donné que le site EkCw-004 se trouve dans une enclave fermée par un esker à l’ouest, les vents dominants de l’ouest et du nord-ouest charrient des particules fines qui passent par-dessus l’esker et qui se déposent derrière lui. La clairière naturelle, à l’emplacement des fouilles, a donc reçu régulièrement des sédiments fins, tout en permettant l’implantation de végétation lors des périodes moins venteuses. Il est arrivé que la végétation se maintienne suffisamment longtemps pour que des arbres poussent et que se développe un sol podzolique.
Quand les vents ont repris après un incendie de forêt, ils ont recommencé à charrier des particules fines qui ont couvert la végétation en place. Ces phénomènes se sont enchaînés de façon cyclique.
Les âges avant aujourd’hui (AA) sont exprimés en nombre d’années comptées vers le passé à partir de l’année 1950 de notre calendrier.
À proximité des cendres, les archéologues ont dégagé plusieurs outils taillés dans des matières de bonne qualité : biface en quartzite rougeâtre, broyeurs en basalte et en granite, couteaux en quartzite et en chert, meule, percuteurs ou polissoirs en grès, racloir en schiste ardoisier... Les matières à l’origine de ces outils, fabriqués il y a plus de 6 000 ans, provenaient de la côte du Labrador.
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