Il était trappeur. Il passait l’hiver dans la cabane en rondins de sapin qu’il avait construite au bord d’un petit ruisseau, près de l’embouchure de la rivière de l’Abbé-Huard, au PK 135 de la Romaine. Non loin de la cabane, il avait aménagé une fosse de bonne dimension, destinée à l’entreposage. C’était autour de 1930.

Selon le chasseur innu Mathieu Mestokosho, les Anglais construisaient des cabanes de rondins, toujours distantes d’une journée de marche, sur les parcours des familles innues. Il est donc fort possible que le constructeur et occupant de la cabane du trappeur était de cette nationalité.

La première moitié du XXe siècle est marquée par un essor important du commerce des fourrures. L’arrivée de la société française Revillon Frères au Canada, à la fin du XIXe siècle, avive la concurrence entre les marchands. Il s’ensuit une hausse des prix des fourrures, qui se maintiendront à un haut niveau jusqu’en 1930. Cette période coïncide avec le déclin de la rentabilité de la pêche côtière, surtout après la Première Guerre mondiale, et la progression du piégeage par les Eurocanadiens qui étendent leurs activités de plus en plus profondément dans le territoire, se rendant même jusqu’au lac Brûlé dans les années 1930.

Un aménagement simple et fonctionnel

L’organisation interne consistait en un poêle de tôle, une couchette de rondins, une table et une tablette. La couchette, située le long du mur nord, était constituée de rondins d’un diamètre moyen de 10 cm s’appuyant sur les murs est et ouest. Elle était large d’environ 80 cm. Les rondins qui la formaient n’avaient pas été aplanis. Puisqu’aucun indice ne permet de déterminer quelle était la literie, les archéologues supposent que la couchette portait un matelas de branches de sapin. Sous sa couchette, le trappeur avait mis, pêle-mêle, des outils, des limes et des pièges endommagés. Il souhaitait sans doute réparer les pièges à l’aide de ces limes, situées tout près d’eux.

Une fosse… aux fourrures

Le trappeur solitaire a aménagé une fosse à proximité de la cabane. Les archéologues se sont d’abord demandé s’il s’agissait d’un dépôt de déchets. Or, ils se sont ravisés après avoir constaté le faible nombre d’objets associés à ce genre de contenu.

Le quotidien

L’équipement de cuisine

La cabane contenait tout ce dont le trappeur avait besoin pour ses repas quotidiens : poêle, chaudrons, poêlons, ustensiles divers, venaison et boîtes de conserve. Le modeste poêle de tôle ne pouvait accueillir qu’un seul poêlon ou chaudron. En plus de cuire les aliments, il servait à garder la cabane au chaud Un ensemble de moules à pains, une théière ou un pichet et bien d’autres objets ont été mis au jour dans les décombres de la cabane.

Des ennuis de santé ?

Outre les pièges abîmés et les limes, 40 fioles et flacons de produits pharmaceutiques avaient été entreposés sous le lit par le trappeur. D’autres bouteilles reposaient sur les tablettes de la cabane. Ces produits étaient d’usage courant à l’époque. Le trappeur les a apportés pour se prémunir contre les irritations mineures, les douleurs bénignes, les infections et la digestion difficile, entre autres maux. Ils ont pu également servir à d’autres usages. Sa pharmacie comptait sans doute une trousse de premiers soins, non repérée au cours des fouilles.

Une construction soignée

Il est possible que le trappeur solitaire ait construit lui-même sa cabane, dans laquelle il passait plusieurs mois par année. Quel qu’en soit le constructeur, il a fait ses travaux avec beaucoup de soin. La terre qu’il a retirée en creusant la fosse a servi à créer le bourrelet qui entoure les fondations de la cabane, constituées d’un premier rang de rondins. Le plancher est fait de rondins équarris disposés parallèlement de façon très serrée.

Malgré le temps et le séjour prolongé dans la terre humide, le plancher est resté dans un excellent état de conservation.

Le plancher de la cabane du trappeur une fois la fouille des niveaux d’abandon et de destruction complétée.
Une autre tempête se prépare. Le trappeur solitaire a stocké la venaison résultant de ses chasses à trappe dans la fosse aménagée près de sa cabane de rondins (reconstituée en 3D). Il en retirait un morceau de caribou pour en faire un hachis dans le bouillon. Il ouvrait une ou deux boîtes de conserve pour accompagner ses repas des prochains jours, où il était confiné à l’intérieur par le mauvais temps (Crédit : Archéotec inc.).